« Je voulais vous remercier pour les annonces que vous nous faites qui sont tout à fait réjouissantes: le lancement du laboratoire pour la qualité de l’investissement européen dans l’éducation, je pense que c’est un très important pour justement suivre, pérenniser et probablement développer dans les années qui viennent ce qu’on appelle dans notre vocabulaire commun « l’investissement dans l’éducation » et le vocabulaire dit déjà l’évolution des mentalités de ne pas concevoir l’éducation comme une dépense mais vraiment comme un investissement.
L’autre bonne nouvelle, c’est la la mobilité des professeurs ; vous nous annoncez des outils dédiés. Ça va venir compléter les académies des professeurs et on pourra peut-être parler d’un Erasmus des professeurs. C’est peut-être le nouveau concept à pousser ensemble. Je voudrais vraiment insister là-dessus parce qu’on peut parfois avoir l’impression que c’est un espèce de plus ou une espèce de cerise sur le gâteau pour les professeurs, un tourisme pédagogique. Je crois que c’est beaucoup plus essentiel que ça à deux niveaux, d’abord l’excellence scolaire et mettre Erasmus au service de cette échange des meilleures pratiques européennes pour faire un lien bien sûr avec le passeport de la réussite scolaire. Échanger les meilleures pratiques pour nos élèves et pour arriver évidemment à mieux faire face aux enjeux absolument gigantesques que nous avons devant nous au niveau de l’éducation. C’est devenir une puissance éducative ensemble, tout en gardant le principe de subsidiarité, l’autonomie et la souveraineté en matière éducative puisque c’est notre diversité qui fait notre force.
Le deuxième point c’est l’attractivité du métier parce que c’est l’un des points de notre espace européen de l’éducation. On sait bien c’est une crise qui est gravissime, qui n’est pas seulement liée au salaire et je pense que tout ce qui relève de cette échange des meilleures pratiques de la mobilité va dans le sens d’une plus grande attractivité de ce métier. J’ai envie de rebondir sur les un million de talents dans la Tech. Pourquoi ne pas lancer une initiative « un million de talents dans le professorat » ?
Je pense qu’il y a un maillon qui est d’installer une culture pédagogique de l’échange pédagogique au niveau de l’initiation, dans la formation continue mais aussi et surtout, au niveau de la formation initiale pour que tout de suite nos professeurs partent dans le système avec cette culture de l’échange, de la comparaison, de l’enrichissement mutuel. On avait évoqué la possibilité d’une mise en réseau des centres de formation en Europe avec le développement d’un module Europe qui serait co-construit pour que tout de suite tous les professeurs aient cette ouverture à l’Europe et à cette culture de partage. Où est-ce qu’on en est ?
Une autre question liée à notre voyage en Hongrie, nous avons été notamment très frappés par, entre-autres, la crise des professeurs hongrois. Il y a encore quelques semaines, une femme remarquable qui a perdu son emploi du jour au lendemain tout simplement parce qu’elle était investie dans cette mobilisation ; une femme pas du tout syndiquée, pas du tout politisée une femme très touchante. La liberté d’enseigner est vraiment remise en cause et un exemple frappant parmi d’autres, c’est que les manuels scolaires sont imposés avec une dimension idéologique très forte et par ailleurs une médiocrisation de ces manuels au point que plusieurs des interlocuteurs que nous avons pu rencontrer se demandent si il n’y a pas presque une volonté politique d’être dans la médiocrité, dans la transmission pour qu’il n’y ait pas trop d’esprit critique dans la nouvelle génération.
On parle beaucoup de l’État de droit, est-ce qu’il n’apparaît pas aujourd’hui comme une évidence que le droit à l’éducation fait partie de cet état de droit parce que c’est la transmission de l’esprit démocratique et de l’esprit de l’esprit critique, l’esprit de droit à penser par soi-même, qui est à l’origine et au cœur de notre pacte européen ? Est-ce qu’on doit avancer dans cette perspective sur l’éducation civique qui serait un socle parce qu’on voit bien que quand le système éducatif n’assure plus cette transmission minimale des valeurs qui nous fondent, on voit bien que c’est le cœur de l’État de droit et de la possibilité d’une démocratie pérenne qui est en cause ? »
Ilana Cicurel – Députée européenne – intervention au Parlement européen – 30 novembre 2022.